écrits

 

En écoutant le vent

Les écrits ont commencé à habiter mes carnets bien avant les premières esquisses de sculptures. Ils sont restés de nombreuses années tapis dans l’ombre, osant parfois quelques apnées en lumière, comme ce fut le cas pour les Lames sœurs en 2005. Même s’ils ont toujours marché main dans la main avec mes projets de création visuelle, ils se sont rarement aventurés hors du berceau des carnets. La création Les mers rêvent encore a changé mon regard. Une voie d’eau s’est ouverte, une voix s’est mise à couler. Depuis les écrits débordent dans la matière, ils la précédent, la colorent, la façonnent.

J’écris avec des images. Je n’écris pas avec des mots, mais avec des yeux. Avec des mains. Des parfums. Des musiques. Et surtout avec le souffle du Vent. L’écriture me permet l’expérience de l’improvisation. En laissant couler la narration. En écoutant ce qui vient. Elle m’a appris à nommer sans nommer. A peindre avec l’ombre des mots. A ne pas dissiper la brume qui entoure les choses, juste déposer leur silhouette sur une feuille et laisser le lecteur dessiner leur forme. Pour que l’imaginaire transforme chaque lecteur en artiste. Que la création soit une expérience partagée.

Ensemble, les écrits et les créations visuelles dialoguent avec l’espace. Ne pas imposer, suggérer, murmurer, c’est ouvrir l’espace. L’espace infime entre la peau d’un mot et la multitude de sens qui suivent ses pas. L’espace entre ce que l’on dépose dans la valise d’une intention et ce que le lecteur trouve en l’ouvrant. Cette distance entre ce que l’on écrit et ce que le lecteur ressent, voit, entend, imagine, me semble être la chair de la poésie. C’est un moment de transgression où nous sommes libres de renverser un usage et le travestir. Pour retrouver sa nature, presser le fruit de l’essence. Pour être éclaboussé par l’inattendu. Se réveiller.

Etre au Monde, tout simplement. 

 

Carnets, 2019, extraits des recherches pour l’écriture des Mers rêvent encore.