J’avais cueilli l’Aurore bien avant l’hiver. Elle s’était invitée quelques mois plus tôt dans le renouveau du printemps. C’était la saison des fleurs de sureau. Partout dans les Alpilles leurs pluies d’étoiles blanches donnaient aux massifs émeraudes la pureté virginale d’un voile de mariée. Quelques fleurs vinrent en émissaire dans l’atelier. J’étais fasciné par leur structure fractale où se répétait avec tant de poésie ce motif épuré. Je confiais les fleurs aux gardiens du four. Ils se mirent à transmuter les calcins, ces rebuts de l’industrie du cristal, en fleurs abstraites aux visages lumineux. En même temps je demandais aux tubes de cuivre qui dormaient dans l’atelier de donner naissance à de nouvelles branches. Ainsi naquît une matière inédite où la vie s’écrit en écorces, mariant la main industrielle de l’homme et la féérie de la nature jaillissante. La première Aurore a puisé ses racines dans les rouges oxydés du cuivre. Délicate et tendre fut cette aînée. De recherches en découvertes, ses sœurs ont apprivoisé la rigueur de l’acier inoxydable. Elles ont donné corps à cette âme végétale présente dans toutes les œuvres des Jardins Rêvés.
L’Aurore a transformé en prose éclairée les matériaux industriels avec lesquels je vivais dans l’atelier depuis des années. Elle a ouvert une voie. Une voix intérieure. Celle de la poésie des jardins imaginaires où je réside aujourd’hui.
Pièce sonore :
Extrait de l'installation Le Chant des Possibles, improvisation N°15, Virginie Fiorello, Lilian Bencini